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La semaine de la procédure civile et des voies d’exécution

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
14/12/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en procédure civile et voies d’exécution.
Mesure d’instruction – contradiction
« Lorsque le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction exerce les pouvoirs prévus par les articles 166, 167 et 168 du Code de procédure civile, il doit respecter le principe de la contradiction et statuer les parties entendues ou appelées. 
 
Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 17 avril 2018), la société AB Yachting, suspectant un détournement de clientèle commis par un ancien salarié, M. X... et la société X... Nautic, dont M. X... est le gérant, a saisi le président d’un tribunal de grande instance d’une requête, accueillie le 17 avril 2017, à fin de voir ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.
Par une ordonnance du 20 juillet 2017, le même président a autorisé l’huissier de justice, sur requête de ce dernier agissant en qualité de mandataire de la société AB Yachting, à conserver un disque dur saisi au domicile de M. X....
M. X... et la société X... Nautic ont assigné la société AB Yachting en rétractation des deux ordonnances. Leur demande a été rejetée par une ordonnance d’un juge des référés en date du 19 septembre 2017, dont ils ont interjeté appel.
La société AB Yachting a été placée en liquidation judiciaire le 26 avril 2019, la SELARL Y... étant désignée en qualité de liquidateur.
 
Vu les articles 14, 16, 166, 167 et 168 du Code de procédure civile :
Lorsque le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction exerce les pouvoirs prévus par les trois derniers de ces textes, il doit respecter le principe de la contradiction et statuer, les parties entendues ou appelées.
Pour confirmer l’ordonnance de référé du 19 septembre 2017, en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 20 juillet 2017, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que s’il est exact que l’ordonnance a été rendue sans convocation des parties, le principe du contradictoire a été respecté dès lors que ces parties, et tout particulièrement M. X..., ont été convoquées et entendues à l’audience statuant sur la demande de rétractation.
En statuant ainsi, alors que le juge chargé du contrôle d’une mesure d’instruction avait statué par ordonnance sur requête, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 18-18.504, P+B+R+I *
 
 
Astreinte – exécution – intérêt légitime
« Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 18 mars 2019), dans un litige opposant M. et Mme X... à leur bailleur, la SCI du Musée (la SCI), à la suite de désordres apparus dans les locaux d’habitation qu’ils louent, un arrêt d’une cour d’appel a, d’une part, condamné la SCI, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de l’arrêt, à confier à un bureau d’études « structure » de son choix la recherche de la descente de charges de l’immeuble entier, de la toiture aux fondations, en recherchant les poussées latérales sur les murs porteurs et à faire établir un projet de rénovation par un architecte qualifié ainsi que prescrit dans les différents rapports de l’expert judiciaire précédemment désigné et a, d’autre part, sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu’à l’accomplissement de ces diligences.
Saisie d’une demande de M. et Mme X..., la cour d’appel a liquidé l’astreinte à une certaine somme pour la période courue entre le 21 août 2016 et le 22 octobre 2017, condamné la SCI à payer cette somme aux consorts X... et débouté ces derniers du surplus de leurs demandes.
 
Il résulte de la combinaison des articles L. 131-1 et L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, que, dès l’instant où l’obligation assortie d’une astreinte a été exécutée, fût-ce par un tiers, l’astreinte ne peut plus donner lieu à liquidation pour la période de temps postérieure à cette exécution, sauf si le créancier justifie d’un intérêt légitime à ce qu’elle soit exécutée par le débiteur lui-même.
Ayant relevé, d’une part, que la SCI s’était rapprochée de la société DMI structure mais n’avait pas signé la proposition d’honoraires établie par cette société le 31 janvier 2017 et, d’autre part, que le syndic de la copropriété de l’immeuble avait contracté, le 23 octobre 2017, avec cette société à raison du même devis, constatations dont il résulte que l’obligation assortie de l’astreinte avait été exécutée, la cour d’appel en a déduit à bon droit, alors qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des productions que M. et Mme X... aient allégué un intérêt légitime à ce que l’obligation soit exécutée par la SCI elle-même, qu’il y avait lieu de liquider l’astreinte pour la seule période du 21 août 2016 au 23 octobre 2017, peu important que la SCI ne justifie pas d’une cause étrangère ni de difficultés sérieuses rencontrées dans l’exécution ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-16.312, P+B+I *
 
 
Procédure d’exécution – règle de la territorialité
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2018) et les productions, se fondant sur une sentence arbitrale exécutoire en France, prononcée à l’encontre de la République du Panama, M. X... a fait pratiquer, le 15 novembre 2016, une saisie-attribution entre les mains de la succursale parisienne d’une banque, la société Standard Chartered Bank (la banque), ayant son siège social à Londres, à l’encontre de l’État du Panama et de l’Autorité du canal de Panama (l’ACP).
La banque a, d’abord, informé l’huissier de justice qu’elle ne détenait aucun compte ouvert au nom du débiteur, puis elle lui a indiqué que la succursale new-yorkaise de la banque détenait des fonds pour le compte de l’Autorité du canal de Panama.
La banque et l’ACP ayant saisi un juge de l’exécution d’une contestation, une cour d’appel a confirmé le jugement qui avait ordonné la mainlevée de la saisie et rejeté une demande de dommages-intérêts.
 
Selon l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
Dès lors qu’une telle mesure suppose l’exercice d’une contrainte sur le tiers saisi, il résulte de la règle de territorialité des procédures d’exécution, découlant du principe de l’indépendance et de la souveraineté des Etats, qu’elle ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France.
Est établi en France le tiers saisi, personne morale, qui soit y a son siège social, soit y dispose d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisi à son encontre.
C’est par une exacte application de ces principes que la cour d’appel, après avoir constaté que la créance résultait de l’ouverture de comptes bancaires par l’ACP dans la succursale newyorkaise de la banque, dont le siège social est à Londres, a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée en France auprès d’une succursale dans laquelle aucun compte n’était ouvert au nom du débiteur saisi.
 
Le moyen est inopérant en ce qu’il s’attaque à des motifs surabondants de l’arrêt, relatifs aux modalités de signification de l’acte de saisie-attribution, dès lors que c’est pour des motifs de fond, tirés de l’impossibilité de pratiquer une mesure d’exécution auprès d’un établissement bancaire en France ne détenant aucun compte ouvert au nom du débiteur saisi, que la mainlevée de la mesure a été ordonnée ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-10.801, P+B+I *
 
 
Procédure d’exécution – règle de territorialité – contrat de bail
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2018), et les productions, par jugement du 5 octobre 2009, un conseil de prud’hommes a condamné solidairement l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique, pris en sa qualité de représentant de ceux-ci, et les États-Unis d’Amérique à verser à Mme A... X...-Y..., M. C... Y... et Mme D... Y... (les consorts Y...), ayants droit de B... Y..., ayant travaillé de 1989 à 2001 à l’ambassade des États-Unis en France, une somme de 136 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du troisième mois suivant la notification du jugement, intervenue le 16 février 2010.
Par jugement du 22 mai 2012, le même conseil de prud’hommes a liquidé l’astreinte à la somme de 734 000 euros, décision notifiée le 4 octobre 2012.
Les États-Unis d’Amérique ont interjeté appel de ces deux décisions le 8 juillet 2014 et l’ambassadeur des États-Unis est intervenu volontairement à ces procédures.
Par arrêt du 20 septembre 2016, la cour d’appel a déclaré les appels et intervention volontaire irrecevables, arrêt partiellement cassé (2e Civ., 21 février 2019, pourvoi n° 16-25.266) en ce qu’il avait déclaré irrecevable l’appel des États-Unis d’Amérique formé à l’encontre du jugement rendu le 22 mai 2012. Sur renvoi après cassation, la cour d’appel, par arrêt du 8 octobre 2020, a annulé ce dernier jugement.
Le 15 mai 2014, sur le fondement des deux jugements du conseil de prud’hommes, les consorts Y... ont fait pratiquer une saisie-attribution des loyers dus aux États-Unis d’Amérique par la société de droit américain Jones Day, dont le siège social est aux États-Unis, dans l’Ohio, pour son établissement situé à Paris dans un immeuble dont les États-Unis sont propriétaires. Cette saisie a été signifiée à son bureau à Paris, situé 2 rue Saint-Florentin.
Par jugement du 9 mai 2017, un juge de l’exécution a rejeté la contestation des États-Unis d’Amérique.
 
Vu le principe de l’indépendance et de la souveraineté des États et l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution :
Selon l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
Dès lors qu’une telle mesure suppose l’exercice d’une contrainte sur le tiers saisi, il résulte de la règle de territorialité des procédures d’exécution découlant du principe de l’indépendance et de la souveraineté des États, qu’elle ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France.
Est établi en France le tiers saisi, personne morale, qui soit y a son siège social, soit y dispose d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisi à son encontre.
Pour infirmer le jugement entrepris et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, l’arrêt retient que la créance saisie résulte d’un contrat de bail signé entre les États-Unis d’Amérique et une société de droit américain dont le siège est dans l’Ohio et qu’elle se trouve nécessairement localisée sur le territoire des États-Unis.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le principe et le texte susvisés ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 18-17.937, P+B+I *
 
 
Appel – saisie immobilière
« Selon l’arrêt attaqué (Pau, 14 janvier 2019 ), Mme Y... a été licenciée suite à une lettre signée par M. X..., agissant en qualité de mandataire de C... Z... X... , décédée quelques mois plus tard. Postérieurement, la formation des référés d’un conseil de prud’hommes a, par une ordonnance du 7 mars 2018, condamné M. X... à remettre sous astreinte à Mme Y... une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte et s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte.
Par la suite, tandis que Mme Y... a saisi la formation des référés en liquidation de l’astreinte, M. X... l’a également saisie afin de voir ordonner le rapport de l’ordonnance du 7 mars 2018. Par ordonnance du 14 août 2018, le juge des référés a ordonné la jonction des deux procédures et a notamment rapporté l’ordonnance du 7 mars 2018 et rejeté les demandes de Mme Y... en liquidation de l’astreinte.
Mme Y... a interjeté appel de cette ordonnance par deux déclarations d’appel du même jour, visant chacune une partie des chefs de dispositif de la décision entreprise. La cour d’appel a rendu deux arrêts le 14 janvier 2019 (numéros RG 18/02873 et 18/02875) contre lesquels M. X... a formé deux pourvois.
L’arrêt attaqué par le présent pourvoi est l’arrêt numéro RG 18/02875.
 
Il résulte de l’article 901 du Code de procédure civile que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La déclaration d’appel, nulle, erronée ou incomplète, peut néanmoins être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai pour conclure.
Dès lors, une seconde déclaration d’appel peut venir étendre la critique du jugement à d’autres chefs non critiqués dans la première déclaration, sans qu’un acquiescement aux chefs du jugement non critiqués dans un premier temps ne puisse être déduit de cette omission.
En outre, la cour d’appel ayant été valablement saisie dès la première déclaration d’appel, la seconde déclaration s’incorpore à la première, de sorte que si sont critiqués, dans la seconde déclaration d’appel, de nouveaux chefs du jugement, la cour d’appel reste saisie de la critique des chefs du jugement mentionnés dans la première déclaration d’appel.
Par ce motif de pur droit, substitué d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du Code de procédure civile, à ceux critiqués par le moyen, l’arrêt, qui a constaté que Mme Y... avait formé successivement le même jour deux déclarations d’appel critiquant chacune des chefs distincts de l’ordonnance déférée, se trouve légalement justifié ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-16-691, P+B+I *
 
 
Autorité de la chose jugée – fait nouveau
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 novembre 2018), M. et Mme X... ont acquis, par acte notarié du 3 août 2006, un terrain situé sur la commune de Sillans-la-Cascade. L’acte comportait le prêt, par la société Luxorinvest (la société) au profit des acquéreurs, de la somme de 300 000 euros, stipulée remboursable en une seule échéance au plus tard le 3 juillet 2008, sans intérêt, le remboursement devant se faire sur le bénéfice réalisé par la vente de la maison d’habitation à faire construire par l’acquéreur, bénéfice devant être partagé par moitié entre le prêteur et les débiteurs.
Par un jugement du 25 février 2014, un tribunal de grande instance a rejeté la demande en paiement de la somme prêtée formée par la société à l’encontre de M. et Mme X..., la maison édifiée sur le terrain n’ayant pas encore été vendue.
La société a engagé des poursuites de saisie immobilière à l’encontre de M. et Mme X..., portant sur le bien en cause, sur le fondement de l’acte notarié.
A l’audience d’orientation, les débiteurs se sont opposés à la saisie en invoquant, notamment, l’autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014. La société a fait valoir que les débiteurs empêchaient la réalisation de la condition et a invoqué l’application de l’article 1178 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
 
Vu l’article 1351, devenu 1355 du Code civil :
Selon ce texte, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Attachée au seul dispositif de la décision, l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Pour écarter l’autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, qui avait rejeté la demande en paiement, au motif que la condition préalable de vente de la maison édifiée n’était pas réalisée, l’arrêt, qui constate que la maison n’est pas vendue, retient que cette condition est purement potestative et que M. et Mme X... ne justifient pas de leur volonté d’exécuter de bonne foi les stipulations contractuelles, de sorte que le prêt est devenu exigible, la condition étant réputée acquise.
En statuant ainsi, sur le fondement d’un moyen qui n’avait pas été invoqué devant le juge du fond et sans relever l’existence d’un fait nouveau justifiant d’écarter l’autorité de la chose jugée par le jugement du 25 février 2014, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-12.140, P+B+I *
 
 
Appel – sursis à statuer
« Selon l’ordonnance attaquée, rendue en référé et en dernier ressort, par le premier président d’une cour d’appel (Toulouse, 16 juillet 2019), M. et Mme X... ont acquis un bien par l’intermédiaire de la société Apollonia, et contracté, à cet effet, un emprunt auprès de la banque Patrimoine et immobilier, aux droits de laquelle vient le Crédit immobilier de France développement (la banque).
Les acquéreurs ayant cessé de rembourser cet emprunt, la banque les a assignés en paiement devant un tribunal de grande instance le 28 novembre 2011.
Par ordonnance du 22 novembre 2012, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer, dans l’attente de la décision définitive à intervenir dans la procédure pénale ouverte à la suite de la plainte déposée par M. et Mme X... à l’encontre, notamment, de la société Apollonia.
La banque ayant sollicité la révocation de ce sursis et la reprise de la procédure, le juge de la mise en état, par une ordonnance du 14 février 2019, rectifiée le 12 mars 2019, a dit n’y avoir lieu à la levée du sursis.
La banque a saisi le premier président de la cour d’appel afin d’être autorisée à relever appel de cette décision.
 
Il résulte des articles 379 et 380 du Code de procédure civile que si la décision ordonnant un sursis à statuer peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président et si le juge qui a ordonné le sursis à statuer, qui reste saisi, peut, soit d’office soit à la demande d’une partie, le révoquer ou en abréger le délai, il n’en est pas de même de la décision rejetant la demande de révocation de ce sursis.
C’est donc sans encourir les griefs du moyen et par une exacte application de l’article 380 du Code de procédure civile, que le premier président, ayant relevé, d’une part, que la société demanderesse ne saurait invoquer une atteinte à son droit au recours, celui-ci ayant été potentiellement ouvert pour contester la décision ayant ordonné le sursis qu’elle critique, et étant, s’agissant de la décision de rejet de sa demande de révocation, seulement différée conformément aux dispositions de l’article 776, alinéa 2 du Code de procédure civile, et ayant fait ressortir, d’autre part, que cette irrecevabilité tirée de l’existence d’une instance pénale en lien avec la procédure civile ne portait pas atteinte excessive au droit d’obtenir une décision dans un délai raisonnable, a jugé irrecevable la demande d’autorisation de l’appel immédiat d’une décision qui n’avait pas ordonné un sursis à statuer, mais qui avait rejeté la demande de le voir révoquer ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-22.632, P+B+I *
 
 
Péremption de l’instance – recevabilité
« Selon l’arrêt attaqué (Rouen 11 janvier 2018), au cours du mois de mars 2003, le navire « Canmar Pride », porte-conteneurs appartenant à la CPS n° 5 et opéré par la société CP Ships, a fait escale au port du Havre où des conteneurs ont été chargés par la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (la société CNMP).
Le navire ayant quitté Le Havre pour Montréal le 3 mars 2003, certains conteneurs ont chuté en mer et d’autres sur le pont au cours du transport.
La société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL (les sociétés OOCL) et la société CP Ships ont assigné la société CNMP devant le juge des référés d’un tribunal de commerce qui, par une ordonnance du 20 mai 2002, a désigné un expert judiciaire avec pour mission de déterminer les causes du sinistre.
Les sociétés OOCL ayant été attraites devant des juridictions canadiennes et américaines, elles ont, le 29 septembre 2003, assigné la société CNMP en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre devant le tribunal de commerce. Ce dernier a sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise, puis dans l’attente de l’issue des procédures américaines et canadiennes.
Les sociétés OOCL ayant, par conclusions du 22 septembre 2009, repris leur procédure devant le tribunal de commerce, la société CNMP a soulevé la péremption de l’instance.
 
Vu l’article 388 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que la péremption de l’instance doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
Pour déclarer recevable l’exception de péremption d’instance opposée par la CNMP et constater l’extinction de l’instance par la péremption, l’arrêt retient qu’il résulte de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du Code de procédure civile que la demande régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d’appel jusqu’aux dernières conclusions.
En statuant ainsi, alors que, dans ses premières conclusions, la CNMP arguait de deux fins de non-recevoir et, subsidiairement, contestait au fond le montant de la créance, la péremption d’instance n’étant soulevé que dans des conclusions déposées ultérieurement, la cour d’appel, qui était tenue de relever d’office l’irrecevabilité de cet incident, a violé le texte susvisé ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 18-15.383, P+B+I *
 
 
Appel – défaut de motivation – régularisation
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 20 décembre 2018), M. A... X... (M. X...) a interjeté appel du jugement d’un tribunal de commerce ayant accueilli une exception d’incompétence soulevée par M. Y..., M. C... X..., Mme X... née Y..., ainsi que M. D... X... (les consorts Y... - X...), et ayant renvoyé M. X... à mieux se pourvoir devant les juridictions de Dubaï.
M. X... a présenté au premier président de la cour d’appel une requête à fin d’être autorisé à assigner les intimés à jour fixe.
Devant la cour d’appel, les consorts Y...-X... ont soulevé l’irrecevabilité de l’appel en raison du défaut de motivation de la déclaration d’appel.
 
Il résulte de la combinaison des articles 85 et 126 du Code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l’expiration du délai d’appel, d’une nouvelle déclaration d’appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d’appel.
Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’occurrence la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d’une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l’accès au juge d’appel dans sa substance même. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’accès au juge d’appel, la faculté de régularisation de la déclaration d’appel restant ouverte à l’appelant.
Ayant constaté que M. X... s’était borné à déposer au greffe, dans le délai de l’appel, une requête à fin d’être autorisé à assigner à jour fixe les consorts Y...-X..., qui, bien que contenant ses conclusions sur le litige, était adressée au premier président, la cour d’appel a, à bon droit, retenu que l’appel formé par M. X..., qui n’a pas, dans le même délai, régularisé la déclaration d’appel en déposant devant la cour d’appel des conclusions portant sur la motivation de l’appel, était irrecevable.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du Code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-12.257, P+B+I *
 
 
Appel – divorce – délai – report
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 février 2019), un jugement du 21 juin 2017 du juge aux affaires familiales d’un tribunal de grande instance a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y....
Par déclaration en date du 18 août 2018, M. X... a relevé appel de ce jugement, en ce qu’il le condamnait à verser à Mme Y... une prestation compensatoire.
Par ordonnance du 6 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel irrecevable comme tardif.
 
Il résulte des articles 74 et 914 du Code de procédure civile que les exceptions de nullité d’actes de procédure doivent être soulevées avant toute défense au fond, dans des conclusions spécialement adressées au conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer sur l’irrecevabilité de l’appel et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel.
Ayant relevé que M. X... avait soulevé la nullité de la signification du jugement dans ses conclusions au fond en date du 18 novembre 2017, adressées à la cour d’appel, et non dans des conclusions destinées au magistrat de la mise en état, et que ce dernier avait été saisi le 17 janvier 2018 par Mme Y... par des conclusions d’incident soulevant l’irrecevabilité de l’appel, formées elles-mêmes avant toute défense au fond, c’est à bon droit que la cour d’appel a déclaré M. X... irrecevable à soulever la nullité de la signification du jugement et jugé l’appel irrecevable comme tardif.
Dès lors, le moyen, qui s’attaque à des motifs surabondants en sa seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-22.609, P+B+I *
 
 
Excès de pouvoir – caducité – rétractation
« Selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2019), M. X..., ayant été licencié par la société Bourse direct (la société), a saisi un conseil de prud’hommes afin de contester ce licenciement et obtenir diverses indemnités.
Par un jugement du 14 avril 2017, cette juridiction a déclaré la citation caduque sur le fondement de l’article 469 du Code de procédure civile et constaté l’extinction de l’instance et son dessaisissement.
M. X... ayant sollicité que ce jugement soit rapporté, le conseil de prud’hommes a, par un second jugement du 16 février 2018, dit que la notification du jugement de caducité visait l’article 468 du Code de procédure civile, rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société et renvoyé l’affaire à une audience ultérieure afin qu’elle soit jugée.
La société a formé un appel-nullité contre ce jugement, lequel a été déclaré irrecevable.
 
Vu les articles 17, 407 et 469 du Code de procédure civile, ensemble les principes régissant l’excès de pouvoir :
Il résulte de la combinaison des deux premiers de ces textes que le pouvoir accordé au juge, en cas d’erreur, de rétracter sa décision prononçant la caducité d’une citation lui est seulement reconnu lorsque cette décision a été prise à l’insu du demandeur. En application du troisième, si après avoir comparu, le demandeur s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le défendeur peut demander au juge de déclarer la citation caduque.
Pour déclarer l’appel-nullité de la société irrecevable, l’arrêt retient qu’en application de l’article 17 du Code de procédure civile, le conseil de prud’hommes peut rapporter sa première décision de caducité prise à la demande du défendeur sur le fondement de l’article 469 du Code de procédure civile et que la voie de l’appel n’est ouverte qu’à l’égard de la décision par laquelle le juge refuse de rétracter sa première décision.
En statuant ainsi, alors que le jugement de caducité fondé sur l’article 469 du Code de procédure civile, qui doit intervenir après un débat contradictoire, ne peut faire l’objet d’un recours en rétractation, la cour d’appel a consacré l’excès de pouvoir commis par le conseil de prud’hommes et violé le texte et les principes susvisés ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-20.051, P+B+I *
 
 
Saisie immobilière – outre-mer – requête en surenchère
« Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Papeete, 16 janvier 2019), rendu en dernier ressort, et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par M. et Mme Y... à l’encontre de M. A... X..., né le [...], et de Mme Z..., le bien saisi a été adjugé le 29 août 2018 à M. W....
Par requête enregistrée le 7 septembre 2018, M. A... X..., né le [...], a formé une surenchère, du dixième au moins du prix principal, dont la validité a été contestée par l’adjudicataire.
 
Vu l’article 884 du Code de procédure civile de la Polynésie française :
Il résulte de ce texte, que toute personne peut, dans les dix jours qui suivent l’adjudication, faire une surenchère, pourvu qu’elle soit du dixième au moins du prix principal de la vente, cette surenchère ne pouvant être rétractée. La déclaration, qui doit être formée par un avocat inscrit au barreau de Papeete, n’est pas reçue après l’heure fixée pour la fermeture du greffe.
Pour déclarer irrecevable la requête en surenchère, le jugement retient qu’il est constant que la surenchère qui est faite dans les dix jours qui suivent l’adjudication doit être précisément fixée en son montant, qu’il s’agit en effet, non pas de trancher un litige entre parties, mais d’organiser la vente publique sous l’autorité de l’institution judiciaire d’un bien immobilier et d’en retirer, grâce à la publicité qui lui en est donnée, le meilleur prix dans l’intérêt des créanciers et éventuellement du débiteur. Le tribunal ajoute qu’il ne peut être satisfait à cette obligation de publicité si l’offre n’est pas précise et qu’à cet égard, le texte ouvre un large choix au surenchérisseur qui n’est pas tenu de se contenter de faire une offre minimum mais peut dépasser le seuil plancher du dixième. Il en conclut qu’en ne précisant pas le montant de sa surenchère, et en se contentant de paraphraser l’article 884 du Code de procédure civile de la Polynésie française, l’offre de M. X... n’est pas régulière.
En statuant ainsi, alors, d’une part, que l’article 884 du Code de procédure civile de la Polynésie française n’exige pas que la déclaration de surenchère énonce une somme déterminée et, d’autre part, que la déclaration de surenchère du dixième au moins du prix principal doit, à défaut d’indication contraire, être regardée comme une surenchère du dixième, le tribunal a violé le texte susvisé ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-14.596, P+B+I *
 
 
Mesure d’instruction – légalement admissible – appréciation
« Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2019 ), M. X... X..., mettant en doute la gestion de la Société nouvelle [...] Midi-Pyrénées (la société SNTD) dont il est associé minoritaire, laquelle est présidée par la société Holding X... gestion, elle-même détenue par M. B... X..., a assigné ces sociétés devant le juge des référés d’un tribunal de commerce pour obtenir, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, la désignation d’un expert.
La société SNTD et la société Holding X... gestion ont interjeté appel de l’ordonnance ayant fait droit à sa demande.
 
Selon l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L’appréciation du motif légitime au sens de ce texte relève du pouvoir souverain du juge du fond.
Ayant relevé qu’aucun des documents produits par M. X... X... n’apportait la moindre consistance à ses soupçons de fautes de gestion, d’intention malveillante à l’encontre de la société SNTD et de ses associés et d’abus de biens sociaux, que celui-ci ne procédait que par déductions et affirmations, qui ne reposaient sur aucun fait précis, objectif et vérifiable, et qu’il ne démontrait donc pas l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait influer le résultat de l’expertise à ordonner, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel, qui n’a pas statué au vu de la seule absence de preuve de faits que la mesure d’instruction in futurum avait pour objet d’établir, a retenu, abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux mesures d’investigation d’ordre général et aux questions posées à l’expert excédant des constatations de fait d’ordre technique, que M. X... ne justifiait pas d’un motif légitime à l’obtention de la mesure sollicitée ».
Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, n° 19-22.619, P+B+I *
 

Exécution des titres exécutoires – prescription
« Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 10 décembre 2018), suivant acte du 21 février 2006, le Fonds social de l'habitat (le prêteur) a consenti à Monsieur X (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier.
Le 11 janvier 2017, le prêteur a délivré à celui-ci un commandement aux fins de saisie immobilière sur le fondement d'un jugement du tribunal de première instance de Nouméa du 8 janvier 2013, devenu irrévocable.
Invoquant la prescription de l'action du prêteur, l'emprunteur l'a assigné en annulation du commandement.
(…) Vu les articles 2224 du Code civil de Nouvelle-Calédonie et 25, II, de la loi n 2008-561 du 17 o juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :
Il résulte de ces textes qu'est exclue en Nouvelle-Calédonie l'application de l'article 23 de la loi du 17 juin 2008 susvisée, instaurant un délai de dix ans pour poursuivre l'exécution de titres exécutoires et qu'en l'absence, sur ce territoire, de délai spécifique au delà duquel un titre exécutoire ne peut plus être mis à exécution, il peut l'être dans le délai de prescription de droit commun, qui est celui des actions personnelles ou mobilières, ramené en Nouvelle-Calédonie de trente ans à cinq ans, et ce, quelle que soit la nature de la créance constatée par le titre exécutoire.
Pour déclarer l'action du prêteur prescrite et annuler le commandement aux fins de saisie immobilière, l'arrêt énonce que l'article L. 137-2 du Code de la consommation ne distingue pas selon le type d'action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d'obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d'un tel titre, que ce texte institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu'il a fournis à un consommateur, que le délai de prescription biennal s'applique tant à l'action en vue d'obtenir un titre exécutoire qu'à celle en recouvrement en vertu du titre obtenu et que l'action du prêteur, fondée sur un jugement du 8 janvier 2013, n'a été engagée que le 11 janvier 2017.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
Cass. 1re civ., 9 déc. 2020, n° 19-15.207,P *
 
 
* Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 14 janvier 2021
 
 
 
Source : Actualités du droit