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Décision discriminatoire de réduire l'indemnité accordée à une quinquagénaire au titre du préjudice sexuel

Civil - Responsabilité
27/07/2017
La décision de réduire l'indemnité accordée à une quinquagénaire pour faute médicale, fondée sur le postulat général que la sexualité n'a pas autant d'importance pour une quinquagénaire mère de deux enfants que pour une femme plus jeune est discriminatoire et emporte violation de la Convention.
La Cour constate en particulier que l'âge et le sexe de la requérante étaient apparemment des éléments décisifs dans la décision définitive des juridictions nationales non seulement de réduire le montant de l'indemnité accordée pour souffrance physique et mentale mais aussi pour le recours aux services d'une domestique. Pour la Cour, ces considérations sont révélateurs des préjugés dominants au sein de la magistrature portugaise. Telle est la solution énoncée par la Cour européenne des droits de l'Homme  (CEDH) dans un arrêt de chambre rendu le 25 juillet 2017

Les faits de l'espèce concernaient Mme M., atteinte d'une maladie gynécologique qui fut opérée en 1995. L'intervention lui avait causé de graves douleurs, une perte de sensation au vagin, une incontinence, ainsi que des difficultés à marcher, à s'asseoir et à avoir des relations sexuelles. Ayant découvert que son nerf pudendal avait été lésé au cours de l'opération, elle avait alors formé une action en réparation au civil contre l'hôpital. En première instance, elle avait reçu 80 000 euros pour les douleurs physiques et mentales causées par la faute médicale ainsi que 16 000 euros, afin qu'elle puisse faire appel aux services d'une domestique pour l'aider dans ses tâches ménagères. Cependant, en appel, la cour administrative suprême, avait réduit ces sommes. Elle avait retenu en particulier que sa douleur avait été aggravée au cours de l'intervention mais qu'elle n'était pas nouvelle et n'avait pas pour cause exclusive la lésion du nerf et que, en tout état de cause, la requérante était déjà âgée de 50 ans et mère de deux enfants à la date de l'opération, un âge où la sexualité n'a pas autant d'importance. Elle avait ajouté que la requérante n'aurait vraisemblablement pas besoin d'une domestique à temps complet car, vu l'âge de ses enfants, elle n'avait à s'occuper que de son époux. Invoquant une violation de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) en combinaison avec l'article 8, Mme M. a saisi la CEDH, estimant que la décision prise par la cour administrative suprême de réduire le montant de son indemnité était discriminatoire, en particulier parce qu'elle méconnaissait l'importance de sa vie sexuelle en tant que femme. La Cour, énonçant la solution susvisée, conclut à la violation des articles 14 et 8 de la CESDH.

Par June Perot
Source : Actualités du droit