Retour aux articles

Objets connectés : un marché à saisir, un vide juridique à remplir

Public - Santé
Affaires - Immatériel
Civil - Responsabilité
13/01/2017
Avec un chiffre de 6,4 milliards d’objets connectés aujourd’hui, qui pourrait passer à 30 ou 50 milliards en 2020, il est plus qu’urgent de s’intéresser à l’Internet des objets (« Internet of Things » ou IoT), à l’image des députées Laure de La Raudière et Corinne Erhel dans leur rapport d’information présenté le 10 janvier 2017 en commission des affaires économiques et le 12 janvier à la presse.
Afin de relever les défis posés par ce qu’il est permis de qualifier de troisième évolution de l’Internet, il est indispensable lever les freins que rencontre ce nouveau marché.

Améliorer l’environnement fiscal et réglementaire

Si les auteurs recommandent à l’unisson de reconnaître le principe d’innovation dans la Constitution, Corinne Erhel souhaite qu’il vienne équilibrer le principe de précaution, alors que Laure de La Raudière voudrait qu’il s’y substitue.

En tout état de cause, le principe de précaution freinerait aujourd’hui l’innovation et l’orientation des investissements vers ce secteur, tout comme la fiscalité du capital et du patrimoine. Le rapport milite ainsi pour une réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans une seconde recommandation où les avis des deux auteurs divergent : à une suppression pure et simple de cet impôt, Corinne Erhel préférerait un simple aménagement pour enrayer la délocalisation des fonds à l’étranger.

Inciter à la prise de risque

Les start-up françaises ont du mal à devenir de grandes entreprises : elles peinent à lever des fonds et par conséquent à s’inscrire dans une croissance durable de leur développement (échec du scale-up). Si elles y parviennent, elles hésitent à passer le cap d’un changement de structure sociale : en l’état actuel de la législation nationale, les impacts fiscaux et sociaux sont encore trop pénalisants (effets de seuils).

Et il ne faut pas sous-estimer les freins psychologiques : la prise de risques n’est pas dans la culture française. Les grosses entreprises n’investissent pas dans les start-up, tandis que ces dernières privilégient encore trop souvent leur développement au niveau national, avant de penser à l’international, alors qu’en matière d’objets connectés l’internationalisation est primordiale.

Promouvoir la e-santé

Les objets connectés ont un réel potentiel dans plusieurs secteurs. Ainsi, en matière de santé publique, l’amélioration de la collecte des données enregistrées permettrait de développer une stratégie e-santé de prévention à destination des populations fragiles ou exposées à des risques sanitaires (recommandation n° 13). Pour cela, il faudrait que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), entre autres, accepte de donner plus facilement accès à ses données, une fois celles-ci anonymisées ; cela bien évidemment dans un cadre d’hébergement adapté et sécurisé. D’autres pays ont déjà franchi ce pas.

Sur ce point, l’horizon pourrait s’éclaircir : à l’occasion du dernier Conseil des ministres qui s’est tenu le 11 janvier, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a présenté une ordonnance destinée à assouplir et simplifier, dans le plus strict respect de la vie privée, et dans un souci de sécurité renforcée, la législation relative à l’hébergement des données de santé à caractère personnel. Ce nouveau dispositif permettra au pays de s’aligner sur les pratiques internationales, la référence à la certification ISO étant désormais largement répandue à l’échelle européenne et mondiale.

Gagner en productivité et en qualité de vie

Dans l’industrie, la collecte de données au moyen d’objets connectés permettra de mieux programmer les chaînes de production – pour éviter les rebuts – et de mettre en place une maintenance prédictive – pour gagner en productivité – à l’image de l’agriculture (avec par exemple les pluviomètres connectés), et plus précisément de la viticulture qui est très en avance dans ce domaine.

En matière de politique de la ville également, la collecte des données des automobiles aiderait à lutter plus efficacement contre la pollution (smart city).

Militer pour une réglementation au niveau européen

Quelles que soient les mesures à mettre en place – incitation à l’investissement dans l’innovation, protection des données personnelles, cybersécurité, etc. – les auteurs du rapport insistent sur la nécessité de développer une politique au niveau européen, les enjeux liés aux objets connectés ne se limitant pas à l’Hexagone. 

En outre, une réglementation à la seule échelle nationale pénaliserait nos start-up, et loin d’enrayer leur exode ne ferait que l’accélérer.

Développer le très haut débit

Alors qu’elle est le troisième pays mondial de l’innovation, derrière les États-Unis et le Japon, selon le dernier classement de Clarivate Analytics (Top 100 Global Innovators Report 2016), la France, qui était très en avance sur le haut débit (en 2006), accuse aujourd’hui un retard sur le très haut débit, lequel est la base du développement des objets connectés.

Pour que la France conserve sa place de leader, les rapporteurs préconisent que la puissance publique se substitue aux opérateurs privés quand les investissements font défaut : d’une obligation de couverture de la population il faut passer à une obligation de couverture du territoire, sous peine de créer une discrimination entre les régions et donc une fracture numérique.

Sauvegarder l’emploi par la formation

Autre défi à relever : faire des objets connectés une opportunité et non une menace pour l’emploi, à l’instar des robots. Sur l’ensemble des postes concernés, la majorité devrait se transformer et non disparaître. En outre, les améliorations induites par les objets connectés devraient générer de nouveaux emplois : un rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), publié le 12 janvier, arrive à cette conclusion, à l’issue d’une vaste étude sur les impacts de la nouvelle vague d'innovations. À cet égard, Laure de La Raudière a justement rappelé que l’Allemagne qui est deux fois plus robotisée que la France a beaucoup plus d’emplois industriels.

La sauvegarde des emplois concernés passera donc par une formation des salariés et un développement de leurs compétences. Sans oublier de préparer les métiers de demain en enrichissant les formations initiales : le rapport recommande de développer l’apprentissage du code, et d’inciter les universités à créer des enseignements sur les sciences de la donnée (data scientist).

Dernier challenge, et pas des moindres, il faudra assurer la sécurité de toutes ces données, les objets connectés étant pour l’heure très vulnérables : de véritables « passoires en termes de sécurité » selon Laure de La Raudière.
Source : Actualités du droit