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Avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné : le Conseil constitutionnel valide l’engagement de responsabilité

Affaires - Droit économique
12/10/2022
Est conforme à la Constitution l’article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce qui engage la responsabilité du professionnel et l’oblige à réparer le préjudice causé, lorsqu’il obtient ou tente d’obtenir de l’autre partie un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie, a décidé le Conseil constitutionnel le 6 octobre 2022.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article L. 442-1, I, 1o du Code de commerce, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par Amazon.
 
Pour rappel, l’article L. 442-1, I, 1o du Code de commerce dispose qu’ « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : 1o D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ».

Plusieurs griefs ont été soulevés par le géant américain. Il était reproché à ces dispositions de méconnaître : la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre ; l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ainsi que le principe d'égalité devant la loi ; et le principe de légalité des délits et des peines.

Le 6 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré l’engagement de responsabilité prévu en cas de commission de cette pratique restrictive de concurrence, et issu de l'ordonnance no 2019-359 du 24 avril 2019, conforme à la Constitution.

Des dispositions qui ne portent pas une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif de préservation de l’ordre public économique

Concernant l’atteinte à la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre, la requérante faisait valoir que ces dispositions permettraient au juge de « procéder à un contrôle des conditions économiques de toute relation commerciale », malgré une libre négociation préalable entre les parties. Ce grief est écarté.

Les Sages rappellent que le législateur peut apporter des limitations à ces libertés prévues par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – limitations liées « à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général » – à la condition que ces limitations n’entrainent pas des atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Or, cet article L. 442-1, I, 1o du Code de commerce poursuit un objectif d’intérêt général destiné à « réprimer certaines pratiques restrictives de concurrence et assurer un équilibre des relations commerciales », afin de préserver l’ordre public économique.

De plus, le « pouvoir » accordé au juge de contrôler les conditions économiques de la relation commerciale a pour seul but de constater l’existence d’une pratique illicite.

L’atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre est alors rejetée.

Une notion d’avantage qui n’est ni imprécise, ni équivoque

Autre grief soulevé par Amazon, les dispositions ne préciseraient pas le seuil à partir duquel est caractérisé un tel avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné. Elles laisseraient au juge toute latitude pour caractériser cet avantage, ce qui porterait atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ainsi qu’au principe d'égalité devant la loi. Quant à l’imprécision de ces dispositions et au regard des sanctions prévues, ce texte méconnaitrait le principe de légalité des délits et des peines.

Ici, le Conseil constitutionnel confirme que l'article 8 de la Déclaration de 1789, qui pose le principe de légalité des délits et des peines, ne s’applique pas uniquement aux peines prononcées par les juridictions pénales, mais à toute « sanction ayant le caractère d'une punition ». Les sanctions ayant le caractère d’une punition établies par le législateur ou le pouvoir réglementaire doivent donc être fixées en des termes suffisamment clairs et précis.

Or, l’article L. 442-4 du Code de commerce précise les montants des amendes civiles susceptibles d’être prononcées en cas de violation de l’article L. 442-1. Quant à la notion d’avantage « manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie », les Sages ont considéré qu’elle « ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque ». De ce fait, il n’est pas porté atteinte au principe de légalité des délits et des peines.

Ces dispositions ne portant pas atteinte au principe d’égalité ou aux autres droits ou libertés garantis par la Constitution, elles « doivent être déclarées conformes à la Constitution ».
Source : Actualités du droit