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Lorsque des acheteurs potentiels peu scrupuleux veulent forcer une vente immobilière

Civil - Contrat
24/11/2021
Les juges du fond apprécient souverainement la rencontre des volontés des parties. Après une offre d’achat, la vente immobilière ne peut être forcée sans accord sur la chose et sur le prix.
En août 2015, M. et Mme T. adressent à Mme I., héritière d’un célèbre présentateur d’émission télévisée, une offre d'achat d’une maison au prix de deux millions d'euros comprenant ses meubles meublants. Estimant qu'un accord était intervenu entre eux sur la chose et le prix, et Mme I. ne souhaitant plus vendre, M. et Mme T. l'assignent en vente forcée et paiement de 100 000 euros de dommages-intérêts.
 
La cour d’appel rejette leur demande et les condamne à payer à Mme I. la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts, considérant leur action abusive, « fantaisiste » et leurs demandes « juridiquement insoutenables ».
 
La Cour de cassation confirme la décision. Les juges du fond avaient notamment relevé que :
  • l'offre d'achat de M. et Mme T. du 16 août n'avait pas été acceptée dans son délai de validité expirant le 24 août et avait au contraire été expressément rejetée par un courriel du 4 septembre ;
  • par un nouveau courriel du 12 octobre 2015, Mme I. avait évoqué une « négociation en cours » confirmant que les parties se trouvaient toujours en phase de négociation précontractuelle, n'étant parvenues à aucun accord sur la chose et sur le prix, et que, le 17 octobre 2015, Mme I. avisait M. T. qu'elle n'entendait pas poursuivre les négociations ;
  • l'offre d'achat portait également sur les meubles meublants, sans être précisément désignés et qu’une liste de ces biens mobiliers avait été adressée à M. T. et évalués à 367 500 euros en précisant que ces biens ne faisaient pas partie du prix de vente et qu’ils devaient être négociés séparément, puis en sollicitant la décision de M. T. ;
  • M. et Mme T. avaient, aux termes de leurs écritures devant le tribunal, modifié eux-mêmes leur offre unilatérale d’août 2015 en demandant à payer le prix de deux millions d'euros sans les meubles.
 La Cour de cassation approuve la cour d'appel d’avoir déduit de ces circonstances que Mme I. n'avait jamais émis, même de manière implicite ou ambiguë, la volonté d'accepter l'offre d'achat d’août 2015 et que la modification de l'offre par M. et Mme T. démontrait bien qu'il n'y avait jamais eu d'accord sur la chose et sur le prix.
 
Les parties demeurent en effet libres durant toute la période précontractuelle. L’offre d’achat qui constitue un avant-contrat n’engage que l’acheteur et n’est pas assortie d’une indemnité d’immobilisation. Le délai de rétractation fixé à dix jours ne s’applique qu’au promettant. Mme I. pouvait refuser cette offre sans engager sa responsabilité. Les acheteurs avaient, dans l’affaire jugée ici, tenté de faire pression sur Mme I., avant même le partage de la succession, pour qu’un compromis de vente soit rapidement signé.
Pour aller plus loin , voir Le Lamy Droit du contrat, nos 134, 146, 264 et 403.
Source : Actualités du droit