Retour aux articles

La semaine du droit fiscal

Civil - Fiscalité des particuliers
08/03/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit fiscal, la semaine du 1er mars 2021.
ISF – procédure – rectification
« Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 juillet 2019), M. et Mme X, assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ont, afin de bénéficier d'une réduction d'impôt conformément à l'article 885-0 V bis du Code général des impôts, joint à leurs déclarations d'impôt des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa équinoxe certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.
Considérant que la société Finaréa équinoxe n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme X ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification.
M. et Mme X ont assigné la direction générale des finances publiques, représentée par l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction du contrôle fiscal Centre-Est, afin d'obtenir la décharge des rappels d'ISF pour les années 2009 et 2010.
 
En premier lieu, après avoir constaté que M. et Mme X se prévalaient de la doctrine administrative pour soutenir que les attestations de souscription émises par la société Finaréa équinoxe faisaient échec à la rectification dont ils avaient fait l'objet, la cour d'appel a énoncé à bon droit, par motifs adoptés, que les réponses ministérielles sont assimilées à des instructions ou circulaires pour l'application du second alinéa de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, sous réserve qu'elles se rapportent à la détermination de la base imposable ou à l'assiette de l'impôt et qu'elles émanent de l'autorité compétente, et que le juge doit se borner à faire une application littérale de la doctrine administrative sans chercher à l'interpréter. Elle a ensuite relevé, par motifs adoptés, que les réponses ministérielles dites « Woerth » et « Patria », invoquées par M. et Mme X, concernaient, en matière d'impôt sur le revenu, les reçus délivrés en l'échange de dons par des associations et en a exactement déduit que la portée des attestations litigieuses, établies pour un autre impôt, l'ISF, et délivrées par une société au capital de laquelle les contribuables avaient souscrit, ne pouvait être comparée à celle des attestations délivrées par une association, à la suite de dons, dans le cadre de l'impôt sur le revenu.
En second lieu, l'article 885-0 V bis du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, a institué le principe d'une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune à hauteur de 75 % de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit. Il résulte de l'article 299 septies de l'annexe III du même Code, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, que lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une telle société, celle-ci lui délivre un état individuel, précisant, notamment, qu'elle satisfait aux conditions exigées par ce texte, qu'il peut joindre à sa déclaration d'ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration.
Si la remise de ce document est une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause, elle ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0 V bis sont réunies et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi. Enfin, aucune règle n'impose à l'administration d'établir, avant de procéder à la rectification de l'imposition du contribuable, qu'il avait connaissance du caractère erroné de ce document joint à sa déclaration.
En cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée par la troisième branche, ni à répondre aux conclusions invoquées par la quatrième, a exactement retenu que les attestations délivrées par la société Finaréa équinoxe ne s'imposaient pas à l'administration, de sorte que leur absence de prise en compte ne constituait pas une cause de nullité de la procédure de rectification.
Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
 
En dehors des garanties prévues aux articles L. 80 A et L. 80 B du Livre des procédures fiscales, qui permettent au contribuable, dans les conditions et limites fixées par ces textes, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, le principe selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui n'est pas applicable à l'administration fiscale, qui ne peut renoncer à l'application des textes législatifs ou réglementaires définissant les obligations des contribuables, quelle que soit sa position avant la procédure contentieuse.
Ayant constaté, par motifs adoptés, que l'objet exact du contrôle subi par la société Finaréa équinoxe ne ressortait pas précisément des documents versés aux débats, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'absence de toute rectification de l'imposition de cette société à l'issue de la vérification de sa comptabilité et de prononcé de l'amende prévue à l'article 1740 A du Code général des impôts ne constituaient ni une prise de position formelle de l'administration, ni l'interprétation d'un texte fiscal formellement admise, au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du Livre des procédures fiscales, et qu'elle a écarté le moyen d'irrégularité de la procédure de rectification invoqué.
 
Vu l'article 885-0 V bis du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 :
Il résulte de ce texte que les contribuables qui souscrivent au capital d'une société constituant une petite ou moyenne entreprise (PME) exerçant exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les PME  (2006/C 194/02), peuvent bénéficier d'une réduction d'ISF, à concurrence de 75 % du montant de leur investissement.
Est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Pour prononcer la décharge totale des impositions mises à la charge de M. et Mme X, l'arrêt, après avoir énoncé à bon droit que le dispositif d'investissement dans la holding animatrice est assimilé à l'investissement direct dans une société opérationnelle et que la qualification de holding animatrice ne saurait être subordonnée à une participation majoritaire au capital de sa filiale exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, retient que l'objectif de la loi étant la création d'emplois par le soutien aux jeunes entreprises, il n'y a pas lieu de calquer la définition de la holding animatrice de l'article 885-0 V bis sur celle de l'article 885 O quater, le premier répondant à des objectifs radicalement différents de la préservation des biens professionnels recherchée par le second, qu'aucune disposition de la loi ne subordonne le bénéfice de la réduction d'ISF, qui n'est que la contrepartie du risque de perte assumé par le souscripteur, à une véritable prise de contrôle des PME à aider et que la loi n'exige pas non plus de la holding qu'elle soit « actuellement animatrice », donc déjà active et structurée à la date des premiers apports de fonds par les actionnaires, de sorte qu'une société « potentiellement animatrice » ou démarrant son activité d'animation est éligible au dispositif de réduction.
Il constate à cet égard que, si, à la date du premier versement effectué par M. et Mme X le 15 juin 2009, la société Finaréa équinoxe ne détenait aucune participation dans des sociétés, la holding avait, dès sa création, mis en place un dispositif destiné à lui permettre de jouer un rôle actif au sein des PME cibles, consistant en la désignation des membres de son comité d'investissement, composé de personnes particulièrement qualifiées qui ont perçu des jetons de présence pour leur travail d'analyse des dossiers des PME et de sélection des investissements à réaliser, la société Imagine ton futur ayant été sélectionnée dès le 8 juin 2009, soit avant la première souscription réalisée par M. et Mme X.
En statuant ainsi, alors qu'une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l'article 885-0 V bis du Code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n'est pas éligible à la réduction d'ISF prévue par ce texte, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
 
Vu l'article 885-0 V bis du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 :
Pour prononcer la décharge totale des impositions mises à la charge de M. et Mme X, l'arrêt, après avoir constaté qu'à la date du second versement réalisé par ces derniers, la société Finaréa équinoxe avait pris une participation au sein de la société Imagine ton futur à hauteur de 35,01 % des parts tandis que la dirigeante de cette société en détenait 57,28 %, relève que la holding s'est dotée des moyens d'orienter la stratégie des PME, de conseiller et d'assister leurs dirigeants fondateurs et de leur apporter toute l'expertise de ses acteurs en mettant en place un dispositif consistant à concevoir et à imposer aux PME un modèle de statuts-type, avec transformation en société par actions simplifiée et création d'un conseil de direction chargé de valider toutes les décisions stratégiques avec voix prépondérante pour la holding, ainsi qu'à conclure un contrat d'animation relatant le détail des prestations qui seraient fournies moyennant rémunération et un pacte d'actionnaires.
L'arrêt constate ensuite que M. et Mme X justifient de ce que la société Finaréa équinoxe a refondu le plan stratégique à cinq ans de la société Imagine ton futur, présenté le projet au conseil de surveillance au mois de juin 2009 et intégré celui-ci au pacte d'associés, ce dont il déduit qu'elle ne s'est pas bornée à financer la stratégie déterminée par la fondatrice de l'entreprise. Il relève que le contrat d'animation conclu avec la société Imagine ton futur prévoyait la définition conjointe et la matérialisation, par un document normalisé, d'un plan d'action annuel fixant la stratégie de l'entreprise, le listage des actions détaillées à mener et leur calendrier, les indicateurs permettant de s'assurer de leur réalisation, la vérification semestrielle du bon déroulement du plan et son éventuelle adaptation, le fait que la holding bénéficie d'un droit d'information privilégié, mensuel et trimestriel sur les chiffres de l'entreprise lui permettant d'évaluer les actions menées et d'opérer les réorientations stratégiques qui apparaîtraient nécessaires, et que le pacte d'associés prévoyait que la holding contrôle toutes les décisions stratégiques de l'entreprise opérationnelle en confiant notamment au conseil de direction la nomination ou la révocation des mandataires sociaux et la fixation de leur rémunération, l'embauche ou le licenciement des principaux cadres et la fixation de leur rémunération, ainsi que le contrôle des opérations engageant la société au-delà d'un certain seuil. Il en déduit que, même si la holding ne disposait pas de la majorité au sein de l'assemblée générale des associés, elle avait la possibilité d'imposer ses vues en matière de développement et de maîtriser les orientations de sa filiale.
L'arrêt ajoute enfin qu'il est établi que la société Finaréa équinoxe a mis en œuvre le dispositif prévu aux conventions précitées et participé activement à la conduite de la politique de développement de l'entreprise, répondant ainsi à la qualification de holding animatrice.
En se déterminant ainsi, par des éléments tenant uniquement au pouvoir d'animation résultant de la structure mise en place et des moyens dont la société Finaréa équinoxe disposait pour animer sa filiale, sans constater concrètement qu'elle les avait mis en œuvre, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la participation active effective de la société Finaréa équinoxe à la conduite de la politique du groupe, a privé sa décision de base légale ».
Cass. com., 3 mars 2021, n° 19-22.397, P+R *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 8 avril 2021
 
Source : Actualités du droit